La Loire-Atlantique, le département perdu

Le mot gallois pour désigner l’Angleterre signifie « les Terres Perdues ». La Bretagne, elle, a son département perdu. Car le territoire de la Loire-Atlantique est, indéniablement, breton. Il l’est depuis, excusez du peu, septembre 851. C’est à cette date en effet que le roi franc Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne, reconnut par le traité d’Angers, après sa défaite de Jengland, la tutelle de la Bretagne sur les pays rennais, nantais et de Retz.

Certes, la légitimité historique ne peut pas tout justifier. Mais il ne semble tout de même pas complètement négligeable que, plus d’un millénaire durant, l’identité bretonne des habitants de ce territoire, en dépit des vicissitudes de l’histoire, n’ait souffert aucune contestation. L’on ne peut par ailleurs se satisfaire des conditions particulièrement ignominieuses dans lesquelles fut organisée par le régime de Vichy la partition de la Bretagne en juin 1941. L’on peut encore moins accepter l’indifférence souvent teintée de mépris par laquelle, depuis les années 1980, les autorités répondent à la demande de réunification, massivement soutenue par la population de la Loire-Atlantique comme de la région administrative.

Les sondages démontrent clairement l’ampleur de cette adhésion. L’un des derniers baromètres réalisé par l’institut LH2 pour le compte de la presse régionale et de France Bleu (avril 2014) révèle ainsi que 57 % des habitants de la Bretagne administrative et 63 % des habitants de la Loire-Atlantique se déclarent favorables à la réunification. Rien qu’en 2014, afin de porter cette revendication, pas moins de trois manifestations ont été organisées dans les rues de Nantes, qui ont réuni successivement 10 000, 15 000 puis 30 000 personnes. Sans que cette mobilisation d’une ampleur sans précédent ne suscite la moindre prise de conscience la part des autorités, ni même la moindre réaction officielle. Comme si elle n’avait jamais existé.

Combien de temps s’obstinera-t-on encore à ne tenir aucun compte de cette profonde aspiration populaire ? Quelle est donc cette démocratie où la voix de la majorité en est réduite à clamer vainement sa soif de justice dans le désert stérile des impassibilités officielles ? « Soif de justice », tel est bien le moteur de ce combat et le ferment de cet espoir. Certes, l’on ne peut qu’adhérer aux brillantes analyses de géographe Jean Ollivro, qui démontre avec beaucoup de force combien la réunification de la Bretagne constitue une nécessité économique. Mais cette affaire, en vérité, est avant tout une question de principe : une injustice a été commise et doit être réparée – voilà tout. C’est au fond, probablement, une position avant tout sentimentale, mais d’autant plus aisée à assumer que chacun la sait étayée par la raison…